Née en 1987.
Elle vit et travaille à Nice.
Du texte, Pauline Allié use inlassablement, qui en a fait le matériau premier de son œuvre. L’artiste a notamment élaboré des livres, en particulier un recueil rassemblant de la correspondance, Album, ou un autre intitulé Appétit. Portrait de ma mère, qui relate la totalité de ce qu’une personne donnée a ingurgité au restaurant depuis 2005. Alors que le contenu du premier ouvrage provient d’e.mails de quelques proches compilés sans autre forme de réécriture, le second procède de la retranscription d’une minutieuse prise de notes.
« Piocher des lambeaux de réel », ainsi qu’elle le qualifie elle-même, voilà l’une des activités à laquelle se livre l’artiste, qui à travers l’usage fait de ces fragments assemblés tend finalement à dresser un portrait en creux de son entourage. Là où se complexifient les choses, c’est qu’en créant de la sorte des formes de récit, parfois mis en scène autrement que sur le papier, à travers des performances ou des vidéos laissant défiler le texte comme elle l’a fait avec Album, Pauline Allié bouleverse une certaine logique et le déroulé de la compréhension en ce qu’elle redessine ce réel qui est sa base, sans pour autant glisser vers la fiction puisqu’écrire des histoires n’est pas son affaire.
Une Lettre de l’amoureux(se), elle aussi rédigée, reconstituée, à partir d’une compilation de fragments, achève de prouver que l’artiste se livre à un travail de non-écriture. Avec ce tour de force paradoxal qu’ici la non-écriture… constitue bien un travail d’écriture ! F. B.
(vue de la lecture à l’occasion du dnsep – galerie provisoire – Villa Arson, 2014)
Mon travail se déploie autour d’une certaine idée de l’écriture qui implique une chaîne de production à trois vitesses : prélever (lorsque le médecin prélève du sang à son patient, il prélève une partie d’un tout) retraiter (le traitement des déchets combustibles était auparavant appelé retraitement des déchets combustibles) synthétiser (un synthétiseur est un instrument qui manipule des sons électroniques au moyen — entre autres — d’échantillons). Mon écriture repose alors sur une non-écriture. En compilant les informations que j’ai sélectionnées et trouvées au préalable dans un contexte domestique — le mien — je me plais à chahuter la figure classique ou conformiste de l’auteur. En redessinant le réel, il s’agit de produire des formes de récit, sans pour autant glisser vers la fiction.
Comment alors se délimiter par ceux qui nous côtoient, comment produire un autoportrait qui se formerait dans un creux, un virage, un tournant ? Alors oui, je plagie volontiers mes proches. J’inscris ma démarche dans une récupération des expressions de chacun, dans une adresse à l’autre que je fais simplement dévier pour la faire changer de parcours, pour la distribuer. P. A.