Céline Fantino

Futures notes (Future War), 2014
Vidéo
11’34
Commentant les images du présent, un homme prend des notes à propos du futur.
Par le biais de cette voix-off, le regard se dédouble, pris dans un angle de légère paranoïa le sens est dévié vers un terrain fictif intensifié, où la mémoire hallucinée effectue une compression du temps, où on accepte que le futur se trouve dans le présent.

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Futures notes (Future War), travaillé à partir d’une scène trouvée dans la rue, celle du grand nettoyage du Carnaval de Nice. L’évènement attrapé et suivi par un court voyage que j’ai entamé en portant cette scène dans les yeux, avec l’idée de la poursuivre par x moyens.
En filmant, les gilets fluorescents se sont propagés dans mon regard comme une image virale, comme par erreur de jugement un parasitage éclot au regard, légère amplification, on s’installe dans une fixation où les images se répètent en indices.
Dans Les Oiseaux, Hitchcock se contentait de pointer un élément familier du décor, les oiseaux, mais les filmant en menaces leur nombre pourtant inchangé nous apparaissait soudain avec terreur, l’élément habituel était remarqué. De la même manière ici, le chemin du film se laisse rythmer par les indicateurs qu’il retrouve en sursautant, signaux posés par une légère paranoïa, celle qui aiguise le regard.
Sur l’appui du motif complice – les gilets fluorescents – un léger décalage des évènement les emmènent sur une autre échelle de lecture. En filmant seulement le contour, les bordures du spectacle – les bateaux des artificiers, les secouristes immobiles, les nettoyeurs ravaleurs d’indices – la scène se décale d’un cran, en tension entre une attente sans vue et la confusion générale, les images familières se laissent mener sur les bords d’un lieu imaginaire.
Contre les scènes viennent se faire entendre les éléments apposés par la voix off. Une prise de notes à propos du futur. Les employés de nettoyage fondent leur silhouette dans celle de sentinelles hallucinées d’un autre temps, ils révèlent la confusion générale, concrète et psychique, une guerre cachée, perceptive, la logique des sens virevoltent. Les porteurs de gilets fluorescents apparaissent en révélateurs d’une faille du réel.
Voilà comment j’ai essayé de filmer ce qu’on ne peut pas montrer, le regard parasité par ses propres fantasmes. Un regard envahi par les images de son imaginaire garées en double file devant le monde, comme un cerveau de rêveur prendrait le pouvoir sur le cerveau du jour.
Tentative de regarder à travers un battement d’œil qui dure, les sens ne s’éteignent pas à l’obscurité. Projection dans le noir et cinéma véhicule, on s’oriente dans un réalisme hallucinatoire.